Une auto électrique avec ça? Non merci, pas tout de suite!

Et pourtant au Québec, avec presque 100% de notre électricité qui provient de sources renouvelables, ça semble aller de soi! Mais ce choix est-il si « propre » quand on tient compte des gaz à effet de serre (GES) associés à la fabrication du véhicule électrique?  Et pourquoi les véhicules électriques sont-ils si chers? Que faire? Voilà comment j’aborde la question.

Pour ce qui est de l’impact en GES, le véhicule électrique (VE) gagne haut la main au Québec. La figure 1 résume bien la question. On y compare un véhicule à combustion interne (VCI) « moyen » d’Europe avec un VE courant, roulant dans deux pays différents : la Norvège et l’Allemagne. En Norvège, comme au Québec, l’électricité est produite presqu’à 100% à partir de sources renouvelables, alors qu’en Allemagne, une bonne partie des centrales électriques sont au charbon ou autre combustible fossile.  La figure 1 montre les GES générés par km parcouru, incluant ceux associés à la fabrication du véhicule, pour une utilisation totale de 150 000 km.  Les GES liés à la fabrication du véhicule sont répartis sur les 150 000 km parcourus. C’est donc une analyse du cycle de vie complet.

Figure 1

Gaz à effet de serre (GES) / km, pour un véhicule électrique (VE) et un véhicule à combustion interne (VCI) en 2015

Premier constat : le VE est plus performant, et de loin, lorsque l’électricité est d’origine renouvelable, comme en Norvège. En Allemagne, où elle est en grande partie produite à partir de combustibles fossiles, l’avantage est moins net mais tout de même bien réel. Avec un VE, on y remplace la combustion de pétrole du VCI par la combustion… dans les centrales électriques.  La situation s’améliorera à mesure que la production électrique se « décarbonisera ». Le mouvement est bien lancé, mais ce sera long.

Deuxième constat : la fabrication des VE est très coûteuse en GES. C’est surtout à cause des batteries au lithium d’aujourd’hui. 50% des GES de fabrication y sont liés. Leur fabrication requiert beaucoup d’électricité  et de matériaux rares – les extraire et raffiner coûtent cher en GES.  De plus, ces batteries viennent surtout d’Asie. L’électricité  y est souvent produite à partir de charbon ou de pétrole. Malgré tout, plus le véhicule est utilisé, et plus l’avantage du VE au niveau des GES liés à l’énergie consommée au jour le jour compense pour les GES de fabrication plus élevés.

Donc, jusqu’ici : avantage VE! Mais un VE coûte cher, même quand on se prévaut des généreux programmes de subventions gouvernementales. C’est encore la faute de la batterie : environ la moitié du prix du VE avec la technologie actuelle. Ajoutez à cela que les véhicules électriques ou hybrides sont rares et souvent « en rupture de stock ». La production n’arrive pas à suivre, semble-t-il, mais force est de constater qu’ il n’y a pas « d’empressement » chez plusieurs manufacturiers.  Après tout, si vous voulez un VE aujourd’hui, et que le concessionnaire vous dit qu’il faudra attendre 6 mois, il y a bien des chances que vous repartiez avec un VCI. Un VCI demande beaucoup plus d’entretien, et c’est justement là où les concessionnaires font vraiment leur argent. De là à croire que l’industrie se traîne un peu les pieds, il n’y a qu’un pas.

Mais les choses vont changer. Les prix vont chuter, surtout en raison de l’évolution rapide dans la technologie des batteries. Déjà, on entrevoit que les véhicules électriques ou hybrides se vendront à des prix comparables aux véhicules à essence en 2022. La durée de vie des batteries devrait également s’améliorer. Consumer Reports l’évalue à 320 000 km aujourd’hui. Tesla serait en train de développer une batterie qui pourrait parcourir 1 600 000  km.

Et l’offre va se diversifier. Plusieurs grands constructeurs ont annoncé des projets ambitieux pour les prochaines années. GM s’apprêterait même à ressusciter le Hummer… mais électrique. Imaginez-vous, arrêté à une lumière rouge, au volant de votre petite auto à essence,  à vous faire passer des remarques déplaisantes à saveur écologiste par un « grand costaud » dans son Hummer tout électrique!

Alors, et moi, qu’est-ce que je fais aujourd’hui?

C’est clair qu’un VE ou une hybride sera mon choix pour la prochaine auto. Mais, en attendant, j’ai décidé « d’étirer » ma vieille Subaru. « J’amortis » tous les GES libérés lors de sa fabrication en 2013. Parce qu’en achetant une nouvelle auto, même électrique, je déclencherais l’émission d’une grande quantité de GES pour sa fabrication, et le cycle recommencerait. Deux ou trois ans de plus, ça compte! Surtout si cela permet à des autos électriques performantes d’être disponibles quand je devrai la remplacer. Au Canada, une auto a une vie moyenne de 13 ans. Imaginez l’impact si on passait à 15 ou 16 ans!

Vous allez me dire : si tu vends ta Subaru, elle trouvera preneur sur le marché d’occasion. C’est vrai. Par contre, plus il y a de véhicules d’occasion de qualité disponibles, plus leur prix baisse, et plus quelque part quelqu’un décide d’acheter.  Mon auto d’occasion « pousse » donc une vieille auto à la casse en bout de la chaîne ou mène à l’entrée d’un nouvel automobiliste sur la route.

Photo Gary Scott

Je regarde donc ma vieille Subaru différemment. Chaque fois que je la laisse se reposer pour me déplacer en métro, à pied ou à vélo, j’en prolonge la vie. Et ça me fait comme un petit plaisir de m’attaquer discrètement au cycle « d’obsolescence esthétique » que les manufacturiers s’évertuent à me vendre. D’accord, moi aussi, je dois détourner le regard quand une des nouvelles autos « de l’année » me jette un coup de phare invitant! Mais enfin, je suis déjà « en relation ».

Merci!

En terminant, quelques mots pour vous remercier de votre soutien pendant la dernière campagne électorale. Vous avez été nombreux à me souligner que ça en valait la peine et à agir en conséquence dans vos comtés respectifs. On a gagné!! Et Steven Guilbeault est maintenant au Parlement! Beaucoup reste à faire, mais au moins on n’est pas à se désespérer de tout ce qui est en train de se défaire… Et mon blogue sera en première ligne pour souligner les bons coups, les mauvais,  faire des suggestions, analyser, et vous proposer des actions simples pour participer au mouvement. Merci d’être là!

6 thoughts on “Une auto électrique avec ça? Non merci, pas tout de suite!

  1. Rémi Lemieux

    Merci Bernard pour ce texte. Comme toi je vais attendre quelques années et ma prochaine voiture sera électrique. Je lis « La transition c’est maintenant » de Laure Waridel, je te suggère cette lecture. Je crois que tu apprécieras !

  2. Pierre-Marc Meunier

    Question importante: acheter vert tout de suite ou attendre la fin de cycle de ce qu’on utilise. En fait, Bernard nous ramène à la base même des problèmes environnementaux: ce sont d’abord des problèmes de surconsommation et on devrait les traiter comme tel. L’article lié qui présente la durée de vie des autos est intéressant.

    1. Bernard Post author

      Bonjour Pierre. Oui, la surconsommation est un aspect important du problème. Mais même en diminuant radicalement notre consommation, on pourrait être confronté à une augmentation des GES si notre économie demeure fondée sur les énergies fossiles. Il faut jouer sur les deux tableaux; moins consommer (et ce ne sera pas facile, à l’échelle planétaire) et consommer moins d’énergies fossiles. L’humanité ne se passera pas d’automobiles à court ou moyen terme: il faut donc qu’elles ne soient plus des Véhicules à Combustion Interne. Cette technologie doit disparaître, pour les usages généraux où c’est possible, d’ici 10 – 15 ans. Même chose pour le plastique à usage unique. Mais je reviendrai sur ce sujet.

  3. Grégoire Bissonnette

    Continue ainsi! C,est intéressant d’avoir une voix qui réfléchit , au lieu d’autres qui ne font qu’envoyer des phrases propagandes,