Pourquoi votre auto ne consomme-t-elle pas 30% moins d’essence?

Saviez-vous que les manufacturiers ont en mains les moyens techniques de fabriquer un véhicule à essence qui en consomme 30% de moins? Et qu’une telle auto vous coûterait 2000 – 3000 $ de moins au total, au fil des années, en raison des économies d’essence? Alors, quel est le problème? Les pétrolières arrivent à retarder cette évolution, car elles vendraient 30% moins d’essence!

Commençons par un aveu: j’aime bien mon auto! Je ne suis pas un hystérique de la conduite, mais je me sens bien sur la route. Libre! Indépendant! Je suis le produit de ma génération, faut croire. Et je ne suis pas le seul. Il n’y a qu’à voir les annonces qu’on nous projette au cinéma ou à la télévision pour comprendre que ça pogne encore, les « chars »! J’en ai même vu une qui m’incitait à faire vite pour goûter le plaisir de conduire…. avant que les autos ne se conduisent toutes seules!

Photographie: Caleb Whiting

Dans quelques années, d’accord, je serai sans doute «full vélo- métro- autopartage électrique», mais j’ai besoin d’un peu de temps… Pour le moment,  je veux que mon gouvernement me donne la possibilité d’acheter une auto à faible émission de gaz à effet de serre (GES), et la conduire en toute bonne conscience.

Et c’est possible! Presque partout dans le monde, les normes d’efficacité des véhicules et d’émission de GES deviennent plus exigeantes (voir l’encadré en fin de texte pour comprendre comment ça fonctionne). Les normes se sont resserrées au Canada et aux États-Unis au cours des dernières années et devaient continuer de le faire de 2020 à 2025  (-5% GES par année).

Mais maintenant, tout est remis en question. L’administration américaine vient de décider de geler ces normes au niveau de 2020 pour les 5 prochaines années. En rébellion ouverte contre le gouvernement fédéral, la Californie et 13 autres États – représentant plus de 40% du marché américain de l’automobile – ont décidé de maintenir le cap sur les objectifs initiaux. Mais l’administration Trump a poussé l’offensive jusqu’à annoncer sa décision de retirer à la Californie le pouvoir qu’elle a, depuis les années 60, de fixer ses propres standards. La Californie et 22 autres États contestent la légalité de cette décision et poursuivent maintenant l’administration Trump. C’est l’affrontement!

Le gouvernement canadien a adopté une position audacieuse

Le gouvernement canadien a pour sa part choisi son parti en signant, en juin 2019, un accord avec la Californie pour collaborer dans le développement de normes plus exigeantes. Le Canada s’est donc allié à la « rébellion » ! Un geste courageux, convenez-en, face à un M. Trump qui ne se prive pas pour insulter copieusement l’adversaire quand il le contrarie.

Et les enjeux sont énormes. Au Canada, si tous les véhicules en circulation rencontraient les normes prévues pour 2025 plutôt que celles de 2020, ils consommeraient annuellement 10,7 milliards de litres d’essence en moins et produiraient 25,1 millions de tonnes de CO2 de moins. Cette diminution représenterait 31 % des GES émis par les véhicules au Canada (2017), et 11 % des réductions que le Canada s’est engagé à atteindre pour 2030 en vertu de l’Accord de Paris.

Mais pourquoi Trump fait-il ça?

Pour les consommateurs, comme il le prétend? Non. Les études sérieuses
montrent que le consommateur économisera. On parle de 2000$ à 3000$ au cours de la vie du véhicule selon les études réalisées par des scientifiques ou le Consumer Reports américain. Le véhicule coûtera plus cher au départ, mais les économies d’essence seront tellement substantielles que le consommateur « rentrera rapidement dans son argent ».

Pour les manufacturiers automobiles américains, comme il le prétend? Non plus. Tous ont signé une lettre lui demandant de s’entendre avec la Californie. Ils savent très bien qu’ils ont déjà en réserve les améliorations leur permettant d’augmenter de 30 % l’efficacité énergétique de leurs véhicules à essence ou diesel (par exemple : ordinateur de bord qui ajuste constamment les valves ou le nombre de cylindres actifs, meilleurs lubrifiants). Ils sont simplement en attente d’une norme légale à rencontrer et d’un échéancier stable.

Quatre d’entre eux ont même conclu un accord avec la Californie pour respecter une série de normes plus exigeantes que le projet du gouvernement américain (Ford, VW, Honda et BMW : 30% du marché américain). Plusieurs autres manufacturiers semblaient prêts à faire de même, semble-t-il, mais ils ont été convoqués à la Maison blanche pour une discussion à huis-clos avec un collaborateur de M. Trump… Depuis, ils attendent. Les grands manufacturiers sont prêts à vivre avec des standards plus exigeants, et voilà que M. Trump répond: « non, je sais ce qui est bon pour vous! » C’est sans précédent!

Seules les pétrolières perdront avec des normes plus exigeantes

Photographie: John Cameron

Car les manufacturiers du monde entier se préparent pour la transition et produiront de plus en plus de véhicules électriques ou hybrides. Après tout, leur « business », c’est le véhicule quel que soit son mode de propulsion, et leur avenir est prometteur avec une demande mondiale en constante expansion.  Les manufacturiers automobiles ont le potentiel de respecter des normes 10 fois plus exigeantes que les normes actuelles, mais avec une offre d’où les véhicules au pétrole auront presque disparu. Ils continueront à prospérer malgré tout.

Moi, comme consommateur, j’aimerais bien pouvoir m’acheter un véhicule à essence performant en attendant d’avoir accès à plus de véhicules électriques ou hybrides. Je comprends que je le paierai plus cher au départ, mais que j’économiserai 3000 $ à terme. Deal! Où est-ce qu’on signe, ou plutôt, où est-ce qu’on vote?

Car que se passera-t-il au Canada après les élections fédérales du 21 octobre? Le nouveau gouvernement du Canada s’alignera-t-il sur la position de l’administration Trump? Ou continuera-t-il à travailler avec la Californie qui est loin d’avoir dit son dernier mot? À vous de juger!

Pour moi, c’est clair! J’appuie le parti libéral et je travaille comme bénévole pour Steven Guilbeault, l’écologiste bien connu et candidat libéral dans Laurier Ste-Marie.

Comment fonctionnent les normes d’émission de GES?

Les gouvernements établissent d’abord des catégories de véhicules. Ensuite, la norme est fixée en termes de grammes de CO2 émis par km, pour chaque catégorie. Un manufacturier doit la rencontrer pour la moyenne de ses véhicules de chaque catégorie. Il lui serait donc possible de vendre une camionnette très énergivore qu’il «compenserait» en vendant deux camionnettes électriques, par exemple.

Face à des normes plus exigeantes, les manufacturiers vont d’abord travailler à améliorer leurs modèles actuels puisque l’essentiel de leur expertise et appareil de production est dédié aux véhicules «conventionnels».  Mais à mesure que les normes se resserreront, ils seront amenés à passer presque exclusivement aux véhicules hybrides, électriques ou même à hydrogène.

2 thoughts on “Pourquoi votre auto ne consomme-t-elle pas 30% moins d’essence?

  1. Daniel

    Bonjour Bernard,

    Tes informations sont très utiles et très pertinentes. Je ne connaissais pas cette situation. Je crois qu’il faut agir rapidement et favoriser dès maintenant les automobiles hybrides et électriques. Sans attendre. Ce soir, au débat des chefs, Justin Trudeau n’a pas été capable de dire qu’il n’autoriserait pas d’oléoduc vers l’est (le Québec). Il n’a pas été capable de le dire. Cela est très inquiétant.

    À bientôt,

    Daniel